Sur l'intersubjectivité phénoménologique chez Husserl
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Préambule sur la raison de cette explication d'un texte de Husserl :
Ce texte a plusieurs objectifs par rapport au travaux que nous poursuivons ici; d'abord la compréhension minimale nécessaire qu'il faut avoir relativement à la phénoménologie développée par Husserl; ensuite, la saisie des moyens par lesquels une intersubjectivité peut fonder l'objectivité; enfin, nous donner les moyens de penser à l'aune de cela une critique matérialiste, dialectique et historique de l'egotisme husserlien (Cf. Chaigneau, Première partie, Pourquoi je suis communiste ? Essai sur l'objectivité, 2019). Le but n'est pas ici la vaine critique maladroite, mais tout au contraire, la compréhension la plus honnête possible d'un texte central pour commencer à comprendre la phénoménologie husserlienne et permettre de définir quelques uns de ses concepts.
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« Si par jugements on n'entend pas seulement les intentions de significations relevant d'énoncés
actuels, mais aussi les remplissements éventuels qui leur conviennent pleinement, il est sans doute exact
qu'un être ne peut être appréhendé que dans l'acte du jugement ; mais ceci ne veut nullement dire que le
concept d'être doive ni même puisse être jamais obtenu « dans la réflexion » sur certains jugements. Réflexion
est d'ailleurs un mot assez vague. Dans la théorie de la connaissance il a le sens, tout au moins relativement
établi, que Locke lui a donné, celui de perception interne ; c'est donc seulement ce sens que nous pouvons
retenir quand nous interprétons la théorie qui croit pouvoir trouver l'origine du concept d'être dans la réflexion
sur le jugement. C'est une telle origine que nous nions par conséquent. L'être relationnel qu'exprime la
prédication, comme par exemple « est », « sont », etc., est un élément dépendant ; si nous le transformons en
concretum complet nous obtenons l'état de choses, le corrélat objectif du jugement complet. Nous pouvons
alors dire ce qui suit : comme l'objet sensible se comporte vis-à-vis de la perception sensible, l'état de choses
se comporte vis-à-vis de l'acte d'aperception qui le « donne » (plus ou moins adéquatement) ; (nous nous
sentons contraints de dire tout simplement : ainsi se comporte l'état de choses vis-à-vis de la perception de
l'état de choses). De même donc que le concept d'objet sensible (du réel) ne peut être issu d'une « réflexion
» sur la perception, parce qu'alors précisément il en résulterait le concept de perception ou un concept de
constituants réels quelconques de perceptions, de même le concept d'état de choses ne peut pas non plus
découler de la réflexion sur des jugements, parce que nous ne pourrions obtenir de cette manière que des
concepts de jugements ou des constituants réels de jugements.
Il va de soi que, dans le premier cas, ce sont des perceptions, dans le second, des jugements ou encore
des intuitions de jugements (des perceptions d'états de choses) qui doivent être vécus pour que, dans chaque
cas, l'abstraction ait lieu. L'Être-vécu n'est pas l'être-objectif. Or, la « réflexion » veut dire que ce sur quoi
nous réfléchissons, le vécu phénoménologique, s'objective pour nous (est perçu intérieurement par nous) et
que c'est à partir de ce contenu objectif que nous sont livrées réellement les déterminations à généraliser.
Ce n'est pas dans la RÉFLEXION sur des jugements, ou plutôt sur des remplissements de jugements, mais dans
les REMPLISSEMENTS DE JUGEMENTS EUX-MÊMES que réside véritablement l'origine des concepts d'état de
choses et d'être (au sens de la copule) ; ce n'est pas dans ces actes en tant qu'objets, mais dans les objets de
ces actes que nous trouvons le fondement de l'abstraction pour la réalisation desdits concepts [...].
E. HUSSERL, Recherches logiques, Recherche VI, § 44.
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Les Recherches logiques s’inscrivent dans une démarche nette contre le psychologisme qui
récusait alors l’existence des lois logiques au seul profit de l’empirisme de l’esprit. La VI ème
Recherche se propose de développer une théorie de la connaissance par l’analyse
phénoménologique du concept de vérité. La question centrale alors est celle du rapport au même
dans l’appréhension multiples des objets sensibles. Pour Husserl, la connaissance se présente
comme la relation entre un acte de pensée et une intuition remplissante. L’enjeu est alors celui de
l’adéquation possible entre ces deux types d’actes. Dans cet extrait plus singulièrement, Husserl
questionne la saisit possible de l’être de façon indépendante à la totalité qui le constitue. Il interroge
alors ce qui ne peut pas directement être saisit par nos sens, à partir du concept traditionnel de
réflexion ou sens interne. Mais de fait, ce qui est visé dans la réflexion n’est d’ores et déjà plus un
objet sensible. Aussi, il devient nécessaire de réfuter cette proposition classique de la réflexion
comme perception interne. Sinon, le principe d’identité ou de choses mêmes nécessaire au
remplissement disparait puisque l’objet visé n’est plus le même par l’acte signitif et l’intuition qui
doit le remplir.
Dès lors, notre lecture de cette extrait veillera à faire apparaitre au travers de l’argumentation le
sens que Husserl donne à cette problématique ainsi que sa particularité dans la conception
phénoménologique de la vérité. D’abord, il s’agit de révéler la confusion possible liée au jugement
(l. 1 - 14). Puis, de montrer que Husserl redéfinit la réflexion dans son rapport au vécu intentionnel
comme constitution de la vérité.
La définition du jugement conduit à une confusion possible (l.1-4) : la saisie des êtres peut laisser
penser qu’on peut saisir le concept d’être par une « réflexion » sur certains jugements. Il faut
examiner comment un tel problème peut se poser. Concevant le jugement comme l’unité
synthétique de la visée de ceci et de cela dans une proposition prédicative « ceci est cela », nous
pourrions imaginer que la réflexion sur le jugement qui comprend « être cela » pourrait nous
apprendre ce qu’est « être quelque chose », ou « être --- ». De fait, un jugement est un rapport qui
s’inscrit entre un acte et son objet. Par là, il ne faut pas seulement entendre un acte de signification
qui se présente comme nécessaire mais insuffisant en tant que tel. L’acte de signification est ce qui
donne sens à ce qui est outre l’aspect purement phonétique de ce qui est et qui comme tel pourrait
n’avoir aucun sens. La quatrième Recherche a montré l’établissement des lois d’unification des
unités entre elles. Ainsi, dire par exemple que Platon est un philosophe et un philosophe Grec
donne un ensemble doué de signification. Ainsi l’association d’un sujet (Platon) et d’un prédicat
(est un philosophe) ainsi que la conjonction (et) permet l’unification de deux totalités. Par contre,
l’usage de parties ayant un sens comme telles peuvent peut perdre toute signification si nous les
assemblons dans un tout non doué de sens. C’est le cas dans la formulation Platon est un ou, par
exemple. Le jugement donc est un produit de synthèse entre des actes de signification et des actes
d’intuition qui viennent remplir les actes signitifs par la confirmation ou l’infirmation. Ce qui donne
lieu à une connaissance est donc la nécessaire jonction des actes de significations et des actes
d’intuition qui pose le rapport entre ces actes et l’objet de connaissance. Dès lors, toute
connaissance ou compréhension de ce qui est ne peut se faire qu’au travers de ce processus. Mais
Husserl rejette toute médiation d’une idée qui pourrait être la reproduction mentale de ce qui est.
Aussi, il y a divergence entre ce qui est intentionnellement saisit (le sens) et ce qui y est
irréductible puisqu’extérieur (l’objet, la chose, visés). Lorsque nous pouvons dire par exemple : je
touche ce livre, il y a une distinction à faire entre ce que la conscience constitue dans cet acte qui est
un vécu intentionnel et le vécu physique du fait de toucher ce livre. La matière n’entre pas dans la
conscience. De même la proposition « ce lit est en bois » présuppose bien la présence d’un lit et de
bois et que ce qui se donne devant moi est bien porteur du sens catégoriel « lit » et « bois », mais
l’être-lit ou l’être-bois ne sont pas constitutif de la totalité ce qui apparait à ma conscience. Le vécu
intentionnel qui vise ce qui est devant moi n’est pas nécessairement englobé par ce que le sens
intuitif « lit » ou « bois » offre en tant que singularité. Le vécu intuitif ne semble pas trouver ici le remplissement qui lui est propre. De fait, un même mot grâce à son sens unitaire, englobe une
multiplicité bien délimitée idéalement d’intuitions possibles1.Aussi, nous en revenons à cette
confusion possible qui tient au fait qu’en saisissant ce qui est toujours un rapport, nous pouvons
penser que par un exercice réflexif il serait possible de saisir non plus le rapport mais l’être. C’est-à-
dire le passage du « ceci est cela » à « être ». Or, il n’en n’est rien d’après Husserl.
Husserl veut d’abord redéfinir le terme de « réflexion » en excluant la thèse d’une perception
interne (l.4-8), qui renvoie ici à l’idée de sens interne développée par Locke, notamment dans son
Essai sur l’entendement humain. Pour Locke de fait, la sensation est à la source de nos idées et
l’esprit les prend pour objets avant de faire naître d’autres idées qui proviennent alors de la
réflexion. Ainsi pour Locke, la table rase qui correspond à l’âme vierge de toute expérience
acquiert des connaissances à partir de l’expérience interne de l’esprit et externe que sont les objets.
Locke cherche donc l’origine de nos idées. Quel rapport alors avec l’origine du concept d’être dans
la réflexion sur le jugement ? Locke en parle bien comme ce que produit en nous le sens des objets
extérieurs. Ici, le jugement que « ceci est cela » pourrait être une sensation interne produisant la
réflexion sur le concept d’être - au sens empiriste de cette production. Le jugement « ceci est cela »
peut-il nous conduire au jugement « ceci est un être » ? A priori, il faut en douter comme l’a très
justement relevé Kant dans sa critique de la preuve ontologique, en écrivant que Etre n'est
évidemment pas un prédicat réel, c'est-à-dire un concept de quoi que ce soit qui puisse s'ajouter au
concept d'une chose. Il est uniquement la position d'une chose ou de certaines déterminations en
soi. Dans l'usage logique, il n'est que la copule d'un jugement. Husserl se positionne donc bien à
l’encontre de Locke, dans une posture contre le psychologisme en affirmant clairement ici que c’est
une telle origine que nous nions. Husserl nie que nous sachions ce que c’est que « d’être quelque
chose » dans le jugement « ceci est cela » en raison de la nature même du jugement. Il semble que
nous ayons une correspondance entre un état de choses (concretum complet) et un acte (l’être
relationnel qu’exprime le jugement prédicatif.) L’être relationnel, en tant que copule, n’existe dans
le jugement « ceci est cela » qu’en tant que liant. Il est ce qui relie, c’est-à-dire la partie d’un tout
qui perd tout sens dès lors que nous essayons de l’en extraire. Aucun remplissement ne peut-être
propre à la copule en tant que liant. L’état de chose forme un tout qui n’est pas en même temps et
par lui-mêmes un objet sensible. Il se dit en termes syntaxiques et échappe à la perception sensible
car il n’est que rapport soit de parties entre elles soit d’une partie au tout. Nous retrouvons en partie
ici le problème exposé par Kant dans la logique transcendantale à propos des rapports de la sensibilité et de l’entendement. Il semble cependant qu’Husserl veuille anhéler davantage encore
cette opposition pour lier l’intuition au concept. Car le problème auquel nous nous heurtons est que
la réflexion semble tout éclairer sauf son propre rôle2. La réflexion était chez Locke une « sensation
de sensation » – l’idée de « sens interne » que proposait Locke avant de lui donner finalement le
nom de réflexion faisait apparaître l’absurdité du concept de sens (externe) interne... Mais la
réflexion est tout autre chose. Comme L’objet sensible est donné dans la sensation, la relation de
l’état de chose correspondant au jugement « ceci être cela » se donne (plus ou moins
adéquatement). Il y a donc le même genre de contrainte qui nous enjoint d’apercevoir ceci et
d’apercevoir que « ceci est cela » C’est tout le problème de la relation de l’acte à l’objet qui se pose
ici encore. L’acte de perception du lit n’est pas le lit. Lorsque nous visons telle chose, ce qui se
révèle ce sont les propriétés propres au vécu de la perception. De fait, en visant « ce lit est rouge »,
j’ignore ce qu’est l’être-rouge. D’où l’idée préalable que si ces objets ne peuvent être perçus par nos
sens ils puissent l’être par la réflexion c’est-à-dire le sens interne. Mais nous avons vue que non
puisque dès lors ce qui est visé ce n’est plus l’objet sensible mais un acte. l’intuition et la
signification se trouve dépourvues de l’homologie qui doit viser un même objet. L’être, ici l’aitre-
rouge ne se donne que dans un état de chose qui est constitué par une visée intentionnel, ici « ce lit
est rouge ».
Ainsi, nous voyons que l’être ne se donne pas indépendamment d’un état de choses qui se donne à être perçu comme une totalité. Aussi, il y a dédoublement de l’être ou du moins de notre rapport à l’être. C’est cela qu’il s’agit désormais de venir éclaircir en tant que modalité particulière de la relation que nous entretenons avec le monde.
Husserl clarifie (l.14 - 21) : pas plus que le concept d’objet (le fait d’être ceci) ne peut-être abstrait de la perception des objets sensibles, de même le concept d’état de choses (le fait que ceci soit cela) ne peut provenir d’une réflexion sur les jugements, car nous y trouverions encore un « être ceci ou cela » et jamais « être un être ». Ces deux rapports au monde doivent être distingués : « ceci » et «ceci est cela ». Mais il ont en commun de ne pas pouvoir être réduit à leur objet. Et la visée de ceci » n’est pas plus « ceci » que la visée de « ceci est cela » n’est pas « ceci est cela ». L’être-vécu n’est pas l’être-objectif. Reprenons: l’être est imperceptible, que ce soit dans une visée externe ou interne c’est-à-dire une réflexion, c’est ce que nous venons de voir. Husserl fait face ici à l’impossibilité à partir de la réflexion comme de l’intuition de saisir l’être tel qu’il est ou tel qu’il se donne. Aussi, nous pouvons sans doute en conclure que l’aitre-objectif ne se donne pas. De fait, quand nous disons « ce lit est rouge » la manière dont nous saisissons l’être-rouge par réduction phénoménologique est une saisit qui s’opère différemment de la visée significative par laquelle nous le désignons. L’être n’est que vécu par la conscience qui le vise mais il ne se donne pas à elle. Il s’inscrit donc dans une totalité unifiée et qui unifie l’état de chose dans un concretum complet. L’être n’est jamais donné mais seulement vécu par l’opération synthétique qu’est le remplissement lorsque sont joints les actes de signification et les actes d’intuitions. Toute connaissance de l’être est donc produit du vécu et non réalité de l’être en tant que tel. Ce schéma réflexif est sempiternel et ne donne accès finalement qu’à des concepts de jugements ou des constituants réels de jugements. En effet, puisqu’à vouloir déterminer la vérité de l’être à partir d’un état de chose tel que « ce lit est rouge », cela revient à énoncer « qu’il est vrai que ce li est rouge » et de nouveau le même problème a priori insoluble dans l’opération de remplissement, se présente encore. La définition classique de la vérité comme adéquation entre ce qui est et le jugement qui en est donné s’invalide de facto. l’être apparait comme double, à la foie comme être-vécu et constitué comme tel et comme être-objectif. L’aitre- objectif subit toujours une réduction voire une mise à distance par rapport à l’être-vécu. La réalité objective est différenciée de la réalité intentionnelle, c’est-à-dire de ce qu’elle est pour la conscience qui est nécessairement conscience de quelque chose. Pour autant, le monde de la conscience n’est pas pour autant illusoire, mais autre. Ce monde est celui de la signification consciente, monde du sens.
Dès lors, « réflexion » signifie que que ceci s’objective pour nous (l. 21-27). C’est à partir d’un
contenu objectif en nous et non à partir d’un contenu subjectif (objectif hors de nous) que nous sont
donnés les concepts (déterminations à généraliser, idées). La conscience ne prend pas ses lois du
dehors, mais en elle-même. La conscience est ce par quoi toute chose est constituée. Husserl a donc
mis en évidence la confusion originelle sur la jugement : l’origine des jugements ne peut pas être la
réflexion sur les jugements mais dans les jugements eux-mêmes que l’on peut trouver le concept
« d’être-ceci » ou l’être du fait que « ceci est cela ». Il repère une substantialisation d’actes (en tant
qu’objets) qui fait perdre l’intention : l’acte effectif qui vise un objet dans un acte qui ne peut pas
être réduit à un objet. Pour reprendre une formulation plus tardive, le mystère de l’être ne peut pas
être éclairci dans les choses qui sont. C’est seulement dans la relation effective qu’il peut être
approché avec toutes les occurrences de choses qui sont ceci ou cela. L’être, pour sûr, n’est pas un
prédicat. Mais la prédication n’est pas une relation sans rapport aucun avec le monde tel qu’il est -
au contraire, il gît dans la relation même avec le tout du monde. Dès lors, juger que « ceci est cela »
ou que « ceci n’est pas cela » c’est être contraint non pas par un objet (ou un acte en tant qu’objet)
mais par l’objet de cet acte. Une proposition est donc toujours donnée non comme telle mais avec
l’écart qu’elle introduit entre le vécu et l’objectif. La connaissance est ce moment particulier de la
pensée où l’individu est investi directement dans le monde. La question qui se pose alors est celle
de savoir comment se constitue ce qui pour nous fait sens - s’objective, comme tel. La chose ne se
donne pas toute entière, c’est ce que montrait déjà chez Husserl l’exemple du cube. La règle du
perçu est la constitution, la chose elle nous échappe et en cela le perçu n’est pas le vécu qui lui se
donne tout entier. Il n’y a d’absolu qu’inhérent à la conscience. La chose se donne sous des
modalités différentes selon qu’elle elle est imaginée - représentée ou perçu. C’est pourquoi Husserl
distingue l’acte catégorial de l’acte perceptif. L’élargissement de l’intuition à la suite de Kant,
comme dépassement et extension, s’inscrit alors dans une discontinuité avec le seul sensible. Pour
Husserl le catégorial est conçu comme ce à partir de quoi se constituent les lois qui régissent la
pensée.
Nous sommes ici au coeur de la critique du psychologisme. Le jugement n’est pas la relation que je
fais entre ceci et cela, mais la relation que je dois/peux peut-être faire adéquatement entre ceci et
cela ou plus encore, ma relation au fait que ceci soit cela. Aussi, ce texte présente un intérêt décisif
pour la phénoménologie de la vérité, nous l’avons vue. En renouant avec la théorie de la
connaissance sous son double rapport de l’analyse et de la synthèse déjà pensé par Platon, mais il
prolonge cela de même qu’il prolonge la logique transcendantale kantienne par l’intermédiaire
ensuite d’objets catégoriaux dont il est fait état dans la suite des Recherches logiques.
Aussi, seuls peut-être le Dieu de Berkley ou de Leibniz qui embrasse la totalité des jugements
possibles et actuels pourrait effectuer le jugement qui exprime cette relation d’un sujet avec son
objet dans son jugement prédicatif. Mais en revanche, certainement pas un étant particulier qui
prétendrait atteindre le concept d’être dans un jugement prédicatif isolé au sein du monde.
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A rebours, c'est une conception qui fait de l'activité pratique le fondement ontologique de l'homme dont nous nous réclamons. Ce n'est pas le lieu ici pour la déployer pleinement, mais simplement nous mettons à disposition un extrait de Penser et transformer le moment présent : Hegel - Marx :
« ce
n’est pas qu’il [l’homme] opère seulement un changement de forme dans les
matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a
conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit
subordonner sa volonté ».
Homo faber est une conception nouvelle de l’homme
comme producteur de lui-même. L’homme s’inscrit dans une produ-activité
c’est-à-dire une activité consciente qui donne une direction et un sens à la
transformation qui a lieu dans le monde. Par le travail l’homme transforme le
monde en lui donnant une forme qui dépend de lui (en exerçant une force
volontaire sur la nature), mais il se transforme aussi (ne serait-ce que
par l’acquisition d’un savoir-faire si nous nous en tenons à l’échelle
individuelle). Les hommes ne peuvent donc plus être tenus à l’extérieur du
monde mais en deviennent les éléments centraux et décisifs. Les hommes
participent de la nature en ayant conscience qu’ils y participent ; ils ne
se contentent pas d’exister mais savent qu’ils existent et ce savoir est le
fruit d’une autoproduction d’eux-mêmes. En ce sens la révolution théorique de
Marx consiste à ne plus séparer les hommes de la nature tout en montrant que
leur nature ne se soumet pas au seul déterminisme naturel : les hommes s’inscrivent
dans un rapport social qu’ils constituent par leurs pratiques. Ce qui prend le
sens d’une praxis s’inscrit alors comme une activité objective (gegenständliche Tätigkeit). Ce terme vient conjuguer le seul
apanage pratique sans objectivité des matérialismes qui précèdent et
l’objectivité hors du monde de l’idéalisme.
Loïc Chaigneau,
tous droits réservés
Conservation/dépassement de la phénoménologie, aussi critiqué/intégré chez Tran Duc Thao :
"Entre l’écueil d’un matérialisme vulgaire qui réduit la conscience à un simple mécanisme abstrait et celui d’un irrationalisme de la pure intériorité (Schelling, Schopenhauer, Kierkegaard, Bergson…), Tran Duc Thao reconnaît le mérite singulier de l’entreprise phénoménologique de Husserl qui en soumettant le vécu à une description méthodique d’une rare précision entendait esquisser la possibilité d’une étude scientifique de l’existence humaine. Néanmoins, Tran Duc Thao dénoncera la limitation de l’analyse phénoménologique à un vécu arbitrairement détaché de toute praxis humaine, purement « antéprédicatif », car les échanges entre l’homme et son milieu étant médiatisés par l’activité productrice humaine, le fondement de l’intentionnalité ne peut être décrit que par rapport à cette praxis et non coupée d’elle. Tran Duc Thao montre clairement qu’en dernière instance ce refus de thématiser l’activité concrète humaine comme devenir-sujet de la réalité objective n’est rien d’autre que l’expression de la répugnance naturelle des classes dominantes à reconnaître dans le travail – qu’elles exploitent –, la source véritable des significations auxquelles elles prétendent.
Le marxisme s’est donc imposé à Tran Duc Thao comme la seule solution concevable des apories posées par la phénoménologie."
Tran Duc Thao (1917-1993), philosophe marxiste vietnamien de renommée mondiale. Phénoménologie et matérialisme dialectique paru en 1951 est son ouvrage le plus célèbre.
------- Poursuite de l'introduction à cette critique de la phénoménologie ---
Conservation/dépassement de la phénoménologie, aussi critiqué/intégré chez Tran Duc Thao :
"Entre l’écueil d’un matérialisme vulgaire qui réduit la conscience à un simple mécanisme abstrait et celui d’un irrationalisme de la pure intériorité (Schelling, Schopenhauer, Kierkegaard, Bergson…), Tran Duc Thao reconnaît le mérite singulier de l’entreprise phénoménologique de Husserl qui en soumettant le vécu à une description méthodique d’une rare précision entendait esquisser la possibilité d’une étude scientifique de l’existence humaine. Néanmoins, Tran Duc Thao dénoncera la limitation de l’analyse phénoménologique à un vécu arbitrairement détaché de toute praxis humaine, purement « antéprédicatif », car les échanges entre l’homme et son milieu étant médiatisés par l’activité productrice humaine, le fondement de l’intentionnalité ne peut être décrit que par rapport à cette praxis et non coupée d’elle. Tran Duc Thao montre clairement qu’en dernière instance ce refus de thématiser l’activité concrète humaine comme devenir-sujet de la réalité objective n’est rien d’autre que l’expression de la répugnance naturelle des classes dominantes à reconnaître dans le travail – qu’elles exploitent –, la source véritable des significations auxquelles elles prétendent.
Le marxisme s’est donc imposé à Tran Duc Thao comme la seule solution concevable des apories posées par la phénoménologie."
Tran Duc Thao (1917-1993), philosophe marxiste vietnamien de renommée mondiale. Phénoménologie et matérialisme dialectique paru en 1951 est son ouvrage le plus célèbre.
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1 Recherche logique VI, §7.
2 Cf. Merleau—Ponty, le visible et l’invisible.